Je partais pour le Japon. Nous avons décidé sur un coup de tête, sans projet précis, de nous écrire chaque jour. Avec quelque pause nous avons tenue notre promesse. J’envoyais à Pierre une sorte de journal de voyage mêlé de rêves, de souvenirs, ce qui me passait par la tête, et lui me répondait par des pages dessinées, indirectement liées aux miennes, qui reprenaient parfois mes lettres, mais le plus souvent suivaient leur propre cours. Deux voyages parallèles, sans se soucier de ce que formerait l’ensemble. Ses pages m’arrivaient souvent brouillées, lacunaire, dans le désordre. C’est à mon retour qu’ensemble nous avons découvert le troisième voyage qui s’était accompli en filigrane dans le fil de ses images. Ce qui n’avait été qu’un courrier improvisé au fil des jours, une rêverie très libre, s’était mis à notre insu à explorer la distance qui nous séparait, inventant d’autres espaces, d’autres présences, formant le tout d’une expédition intérieure. Nous avons décidé ensemble de laisser les choses telles qu’elles étaient apparues, les retouchant à peine, et de les proposer à la lecture.
Daniel Jeanneteau