L'exposition
Je travaille de plus en plus la mise en forme de mes dessins et de mes livres à l'ordinateur. L'exposition présente les dessins originaux qui ont servi à la réalisation du livre et du film. Je considère ces dessins comme un matériel provisoire qui ne trouve sa finalité et son sens que dans la réalisation du livre et du film. Ces dessins sont voués à ne pas être respectés, voire détournés de leurs sens originel. Cette façon de travailler permet de rester dans le mouvement et dans l'invention d'un acte de création pendant toutes les phases de fabrication de l'œuvre. Cela permet également d'intervenir jusqu'à la dernière limite, de repousser le plus longtemps possible "l'achèvement", souhaité et redouté, d'un travail créatif.
Ces dessins sont accompagnés de reproductions des pages du livre auxquelles ils correspondent. Cela met ainsi en évidence les changements dans le dessin et le travail de construction narratif réalisés au travers de la mise en page du livre et de la réalisation du film.

Le film

A partir des images de la bande dessinée, je réinvente le monde de "Sans l'ombre d'un doute" travaillant en lien étroit l'image, le mouvement et le son avec le compositeur de musique "acousmatique" André Dion.
Le livre est le fil qui guide mon travail de mise en mouvement et en son des images. Ce n'est plus le temps du lecteur qui tourne les pages à sa façon, qui rythme l'histoire, mais le temps et le mouvement que j'impose au spectateur. Cette prise de pouvoir sur le spectateur me renvoie profondément à ma responsabilité et me rappelle à la liberté de l'autre et à son bon vouloir….

Pour moi, le mouvement n'est pas un système, mais un langage à interroger, il a sa propre personnalité, et sa forme participe au propos. L'expérience que je tire de ma pratique du mouvement en bande dessinée (où le mouvement est suggéré de multiples façons) m'amène dans le "film dessiné" à rester dans une économie de ces mouvements animés. Le mouvement réaliste ne m'intéresse que par sa réinvention artistique. Et dans ce cas, image fixe, image en mouvement, animation de l'image, ou suggestion du mouvement, sont pour moi autant de moyens de raconter. C'est déjà une parole. Je ressens le mouvement comme une parole à part entière, comme peuvent l'être, par exemple, le mouvement des mains, les expressions du visage qui accompagnent la parole (sans pour autant être en accord avec les mots).

Et puis, il y a le mouvement du film. Le développement linéaire du livre où les images se succèdent horizontalement, devient dans le film; superpositions, surimpressions, comme une succession de tableaux, images mouvantes, venant et disparaissant des profondeurs de l'écran. Le travail sonore réalisé par André Dion s'est fait dans le même temps que le montage du film. Le montage de l'image et sa narration déterminaient l'esprit de la matière sonore. Pour ma part, je considère le son et l'image au même degré. C'est-à- dire que ce sont deux langages différents. (un peu comme l'image et le texte en bande dessinée). Je les vois comme un couple d'amoureux enlacés qui avancent sur un même chemin en se disputant, en riant, traînant, se courant après, se cachant, se perdant, mais avançant, indispensables l'un à l'autre. La collaboration avec André est devenue, avec tâtonnements et beaucoup d'ignorance, un espace fécond d'invention et de plaisir. Je reste admiratif de la justesse de son approche instinctive. Cela nous a beaucoup aidé à trouver un chemin.

La réalisation du film s'est faite avec l'aide et la collaboration de Brigitte Baumié et le soutien de la région Languedoc Roussillon. "Sans l'ombre d'un doute" est la deuxième expérience en film dessiné après un premier film "à kyôto cinq tableaux d'eau" de mon précédent livre "à Kyôto".